Midi Olympique du 18-02-2013
GRAND BLESSÉ ET ENTRAINEUR
Étienne Dallon – Saint-Jean-en-Royans
Les grands blessés auront la particularité d’avoir eu deux vies. Celle d’avant l’accident. L’existence d’après qu’il faut apprivoiser avec une vision plus basse dans le sens de la hauteur, mais davantage dirigée vers l’horizon des espérances.
Étienne Dallon n’avait que dix-sept ans, il portait fièrement le maillot numéro 8 des cadets du Sporting Club Royannais, un club de Drôme-Ardèche, lorsque le destin l’invita en 97 à la douloureuse métamorphose. Par traîtrise, conséquences d’un plaquage régulier qui provoqua des lésions C6, C7 irréversibles. Il restait à Étienne à écrire le scénario de l’acte 2. Optimiste par nature, dynamique par conviction, il l’a voulu emballé et emballant. Sans rancune : « Je n’en ai jamais voulu à quiconque. C’est un accident de la vie. »
Étienne Dallon n’a donc pas banni le rugby de son quotidien, au contraire, il s’en est un peu plus rapproché, assistant aux entraînements et aux matchs du SCR, partageant le vestiaire avec les joueurs qui n’ont cessé de le soutenir. Dans ces périodes de lutte pour sa « reconstruction », sa famille lui a été d’un très précieux soutien, mais Étienne a ressenti un manque. «J’ai suivi la formation d’éducateur, et actuellement celle d’entraîneur seniors, raconte t-il. J’ai un goût d’inachevé car je ne saurai jamais ce que j’aurais pu valoir comme joueur. Si je pouvais connaître une réussite sportive en qualité d’entraîneur la boucle serait bouclée. J’ai toujours entraîné avec mon ami Romain Bouvarel, nous sommes très complices et complémentaires. Je travaille sur l’ordinateur, j’essaie d’apporter des nouveautés et Romain œuvre sur le terrain. »
Auprès de son épouse Marjorie, Étienne s’avoue heureux. Enzo, son fils de moins de cinq ans joue déjà au rugby, «il adore Wilkinson » et pas question de le priver de sa passion. «Mon père avait six frères qui ont tous pratiqué le rugby. Dans la famille, si tu te diriges vers un autre sport tu es banni pour cinq générations », se marre Étienne.
«Grâce à la Fondation Ferrasse j’ai pu acheter un nouveau véhicule adapté et je suis devenu totalement indépendant. Je vais chercher mon fils à l’école et je n’hésite pas à faire six-cents kilomètres dans la journée pour accompagner l’équipe de Fédérale B dont j’ai la charge. Ça m’a changé la vie. »
Cette deuxième existence qu’il ne traverse jamais seul.
Gérard PIFFETEAU