Article paru dans RUGBY MAG (n° 1145 de juillet/août 2015)
Max BRITO, 20 ans après
Pour le 20° anniversaire de son accident en Coupe du Monde qui le laissa tétraplégique, l’ancien ailier de Côte d’Ivoire et de Biscarosse a reçu, à son domicile de Talence, les présidents Camou et Goze à l’occasion des demi-finales du Top14. La visite a été organisée par Marcel Martin qui était, en 1995, l’un des cinq directeurs de la Coupe du Monde et qui assistait au match funeste de Rustenburg contre le Tonga.
A deux jours près, les demi-finales du Top 14 à Bordeaux coïncidaient avec le vingtième anniversaire du dramatique accident de Max Brito qui marqua la troisième Coupe du Monde. Le samedi 3 juin 1995, à l’Olympia Park Stadium de Rustenburg, ville du Transvaal située à 110 km de Prétoria, le Tonga et la Côte d’Ivoire disputaient leur dernier match de ce Mondial, un match pour l’honneur. Au bout de deux minutes, Max Brito, l’ailier gauche de la Côte d’Ivoire et de Biscarosse, 24 ans, 83 kg pour 1,82 m, amorçait une relance à la réception d’un coup de pied ; plaqué puis enseveli sous un amas de joueurs, il ne se relèverait jamais : « On ne distingue rien sur la vidéo, indique-t-il vingt ans après, et pourtant je l’ai regardée souvent … » Marcel Martin assistait à cette rencontre en sa qualité de directeur (ils étaient cinq) de la Coupe du Monde, également président de sa société commerciale, RWC BV. Il se souvient : « Un hélicoptère est venu pour transporter le joueur à l’hôpital de Pretoria où je me suis rendu le soir, après le dîner officiel. Voir Brito avec un clou dans la tête, un poids suspendu pour permettre l’extension maximum, m’a terriblement impressionné. Le médecin m’a fait voir les radios qui montraient nettement une fracture en biseau de la colonne : la moelle épinière était sectionnée au niveau de la cinquième vertèbre et l’on savait que Max ne remarcherait jamais ».
L’accident provoqua une émotion considérable et mobilisa les médias. Plus de deux cents journalistes se rendirent à la conférence de presse organisée deux jours après : afin de dépassionner les débats, Marcel Martin avait fait venir d’Abidjan, par la SA Airways, la mère de Brito. Un élan de solidarité sans précédent, initié par l’ancien capitaine des Springboks Morne du Plessis, se produisit en Afrique du Sud et la France ne fut pas en reste : dons et matchs de bienfaisance. Un mois après le Mondial, Marcel Martin se rendait au chevet de Brito au centre girondin de La Tour de Gassies et il effectue depuis trois ou quatre visites par an : « J’ai souhaité mettre en place une fondation qui assure à Max une rente mensuelle », se félicite l’ancien président de Biarritz.
Effectivement, Brito vit dans une maison coquette à Talence. Il dispose d’un ordinateur à infrarouge et une souris dirigée avec le nez lui permet de naviguer sur internet. Sollicités par Marcel Martin, les présidents Camou et Goze sont allés saluer le blessé le matin de la deuxième demi-finale. Délégué aux sports de la mairie de Bordeaux, l’ancien demi de mêlée du XV de France Guy Accoceberry les a rejoints. Pour lui (fracture du radius) et Philippe Benetton (fracture du cubitus), la Coupe du Monde 95 avait pris fin le soir de ce même 3 juin : « C’est en arrivant à l’hôpital que nous avons appris ton accident », lance-t-il à Max Brito. Ce dernier avait tenu à recevoir ses hôtes avec du champagne et des petits gâteaux. Aucune amertume dans ses propos, aucun mot sur les insupportables douleurs neurologiques qui sont le lot des tétraplégiques. Rien contre la cruauté du destin qui l’avait choisi comme cible. Car la Côte d’Ivoire s’était qualifiée, contre toute attente, pour sa première (et seule) Coupe du Monde, première nation d’Afrique noire à disputer le tournoi final. Car Max Brito n’aurait jamais participé au Mondial sans la défection de… son frère aîné Patrick (SBUC), forfait à cause d’une pubalgie.
Il préfère évoquer le prochain Mondial auquel il se rendra, invité par le président Lapasset aux deux finales : une voiture le transportera de Bordeaux à Paris, puis il voyagera dans l’Eurostar. Il ne se lasse pas de cette Coupe du Monde dont il a si tristement marqué l’histoire.
20 ans après son accident à la Coupe du Monde 1995 (en médaillon à gauche), Max Brito a reçu la visite des Présidents Camou et Goze à son domicile de Talence.
De g à dr : Marcel Martin, qui était alors Directeur de la Coupe du Monde et qui a organisé la visite, Pierre Camou, Président de la FFR, Paul Goze, Président de la LNR, Christian Bagate, responsable médical de l’intégrité, et Guy Acoceberry, délégué aux sports de la Mairie de Bordeaux et demi de mêlée du XV de France au mondial 95 : le bras fracturé contre l’Ecosse, il avait été admis à l’hôpital de Prétoria quelques heures après Max Brito.
Texte : Jean-Louis Laffitte – Photo : Jean-Pierre Bost