Article paru dans RUGBY MAG (n° 1150 de février 2016)
La vie auprès d’un grand blessé
Françoise Giroux se tient depuis 35 ans aux côtés de son mari Christian, grand blessé depuis 1980. Avec ce couple qui vit à Chaptuzat, dans le Puy-de-Dôme, c’est l’occasion d’évoquer le rôle des épouses, compagnes et parents auprès de la personne handicapée.
« Mon mari avait 31 ans quand il a eu son accident en 1980. Nous étions mariés depuis 1976. Je l’ai retrouvé paralysé et inconscient quand je suis rentré de mon travail le lundi matin. C’était son dernier jour de vacances. J’ai trouvé notre plus jeune fils qui avait trois ans et qui m’a expliqué qu’il n’avait pas déjeuné. Je me suis douté qu’il s’était passé quelque chose. Il avait joué la veille et rien de particulier ne s’était passé. Mais quelques mois auparavant, il avait, au cours d’un match, été transporté inconscient à l’hôpital. Le rapprochement a rapidement été fait entre les deux événements » Françoise Giroux revient ainsi sur l’épisode qui a bouleversé leur vie. Tous deux travaillaient à la maison de retraite d’Aigueperse, une petite commune du Puy-de-Dôme entre Riom et Vichy. Christian était plâtrier-peintre et son épouse aide-soignante. Victime d’une hémiplégie du côté droit avec aphasie, Christian Giroux a partiellement récupéré. « II marche et il boîte. Il ne peut pas se servir de son bras droit, mais il n’a pas vraiment récupéré le langage. Il est resté des années sans parIer alors qu’aujourd’hui, il essaie de participer quand nous sommes en famille, mais cela ne lui est pas possible au-dehors. » Le couple vit à Chaptuzat, à 30 km au Nord de Clermont-Ferrand. « Cela a bien sûr changé notre vie. C’était un papa très présent auprès de nos deux fils et qui, juste après l’accident, ne les reconnaissait plus. Je me reposais beaucoup sur lui et il a fallu que je m’occupe de tout. »
Françoise et Christian Giroux, grand blessé depuis 35 ans, dans leur maison de Chaptuzat, au nord de Clermont-Ferrand.
« SOUDÉS » PAR LA SITUATION
Françoise a continué à travailler et a pu prendre sa retraite il y a treize ans. Ce qui lui a permis, depuis, de rester davantage aux côtés de Christian. « La situation nous a soudés. Qu’aurait-il fait sans moi ? Je suis avec lui. On se marie pour le meilleur et pour le pire », confie-t-elle, en se félicitant de la solidarité du monde du rugby. « Bien sûr, il y a eu toute notre famille, nos enfants qui sont toujours restés très proches. Notre fils aîné, qui avait 9 ans au moment de l’accident, s’est beaucoup impliqué auprès de son papa. Nous sommes très solidaires. Mais heureusement, nous avons été bien aidés par la Fondation Ferrasse pendant toutes ces années et encore aujourd’hui. Sans ça, je ne sais pas comment nous aurions pu nous en sortir. »
Christian se déplace dans une voiture aménagée, ce qui lui a permis d’acquérir une certaine autonomie. « Mais il ne va pas voir les matchs au stade car il n’est pas à l’aise dans la foule. Il préfère les regarder à la télévision. Il s’intéresse toujours au rugby », souligne-t-elle. « Mon inquiétude, c’est que je sois malade car il ne pourrait pas rester tout seul chez nous. Il doit faire attention et il a un traitement à prendre tous les jours ». Néanmoins, Françoise, qui ne tient pas à se mettre en avant, tient à préciser : « Nous avons une vie de famille normale avec un papa handicapé qui ne peut pas trop parler, mais qui se fait comprendre à la maison. J’insiste pour dire que si nous avons pu avoir cette vie, c’est grâce au monde du rugby ».
Texte : Félix Chiocca – Photo : Pierre Couble