Article paru dans RUGBY MAG (n° 1151 de mars 2016)
La vie à 100 à l’heure
Blessé en 1987 alors qu’il était âgé de 19 ans, Rocco Anastasi fait preuve d’un enthousiasme et d’un optimisme à toute épreuve dans une vie qu’il mène à 100 à l’heure, avec sa famille et ses «potes» du club de Thann, près de Mulhouse.
« J’ai réussi ma vie. J’ai la chance d’avoir ma famille, mon épouse, ma fille, les potes et j’ai un travail. L’essentiel, c’est d’avoir la santé et de continuer comme ça ». À 48 ans, Rocco Anastasi n’a pas le temps de s’ennuyer, lui qui fait partie des «Old Blacks» où se retrouvent les anciens joueurs du RC Thann, son club dont il est toujours resté très proche. L’accident est survenu le 25 mars 1987 à l’occasion d’un tournoi UNSS à Colmar avec l’équipe du lycée Scheurer Kestner de Thann. « En club, je jouais 3e ligne aile, mais ce jour-là, il manquait le talonneur et j’ai eu le malheur de dire que je pouvais jouer à ce poste. En face, ils n’étaient peut-être pas tous très rugbymen. Sur une mêlée, on a poussé version club et la mêlée adverse s’est écroulée. Je n’ai pas eu le temps de me protéger avec les bras et ma tête a piqué sur le gazon », explique Rocco Anastasi qui, victime d’une luxation des cervicales C4-C5, est devenu tétraplégique et se déplace en fauteuil électrique. « Au début, je ne pouvais bouger que la tête et, depuis plusieurs années, je bouge mes bras et même si mes mains sont paralysées, cela ne m’empêche pas de travailler sur ordinateur. Quand on a 19 ans et toute la vie devant soi, ce n’est pas évident. Ce qui m’a sauvé, c’est d’avoir eu ma famille et mes amis du rugby qui ne m’ont jamais laissé tomber. Dans la tête, tu te dis : ou tu mets fin à tes jours ou tu te bats et tu vis. J’ai choisi la seconde solution. »
Hospitalisé en réanimation à l’hôpital de Colmar, il est ensuite resté 16 mois au centre de réadaptation de Mulhouse avant de rentrer chez ses parents dont la maison a alors été aménagée pour lui permettre d’y vivre.
« UNE GROSSE FÊTE POUR MES 50 ANS »
Avec son frère cadet Thierry et ses copains du rugby, il est beaucoup sorti, « notamment en boîte de nuit où j’ai eu la chance de rencontrer dès 1989 celle qui est devenue mon épouse trois ans plus tard. On a construit une maison complètement accessible à mon handicap à Cernay, près de Mulhouse. J’ai toujours été très entouré. On se fait de grosses fêtes de temps en temps avec les potes du rugby et comme on est de la même génération, on est en train de préparer quelque chose pour nos 50 ans. » Rocco Anastasi, qui a organisé son jubilé au RC Thann en 2014, travaille dans un cabinet d’expert-comptable de Mulhouse depuis quinze ans. « Je me suis formé sur le tas et j’y suis quatre après-midi par semaine. Ce qui me permet d’avoir une vie pleine et active. »
C’est ainsi qu’il va régulièrement voir des matchs de son club et sera évidemment partie prenante pour les 60 ans du RCT au mois de juin prochain avec les «Old Blacks». Sa fille de 15 ans qui joue au basket, lui a fait découvrir un autre milieu sportif qu’il apprécie beaucoup. « Parfois, 24 heures ne suffisent pas dans une journée », lance-t-il en souriant et en insistant sur la nécessité de faire preuve d’optimisme. Abordant le rôle de la Fondation Albert Ferrasse auprès des grands blessés, il explique que s’il ne demande rien pour l’équipement informatique « car mon épouse travaille en Suisse et nous avons les revenus suffisants pour faire face à cet aspect », l’aide de la Fondation est primordiale pour l’aménagement de son véhicule, qui est très onéreux.
« Avec mon épouse, qui est formidable, on a la chance d’avoir une jolie fille qui, en plus du basket, joue aussi au rugby au lycée de Thann où son professeur d’éducation physique est l’un de mes potes de club », souligne-t-il. Rocco Anastasi n’a vraiment pas un tempérament à se laisser aller !
Texte : Felix Chiocca – Photo : Christelle Glemet