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Dominique Quintin, la foi de vivre

Article paru dans RUGBY MAG n° 1169 (janvier 2018)

DOMINIQUE QUINTIN, LA FOI DE VIVRE

Il n’est pas un homme comme les autres et son fauteuil n’a rien à voir là-dedans. Père de famille, élu municipal, bénévole zélé et toujours passionné de rugby, Dominique Quintin espère rejoindre en janvier le comite exécutif de la Fondation Ferrasse, qu’il a lui-même contribué à créer.

C’est un bien triste anniversaire que Dominique Quintin fêtera le 17 septembre prochain. Ce dimanche de fin d’été 1978, sous les couleurs du Stade français-CASG, il joue talonneur pour la première et dernière fois de sa jeune carrière. « Sur une mêlée effondrée, je me retrouve les bras en l’air, la tête en bas. Le dos craque… » Le diagnostic est sans appel. Le jeune joueur de 20 ans sera paraplégique pour le restant de ses jours. Opération immédiate à La Salpêtrière, trois mois à Garches au quartier des grands accidentés, puis huit de plus au centre breton de rééducation de Kerpape, mais Dominique Quintin décide ne jamais baisser les bras ni de perdre la foi de vivre. Depuis 37 ans, il coule des jours heureux avec son épouse, Élisabeth, du côté de Ploemeur dans le Morbihan. Dominique y est devenu un homme diligent, volontaire, généreux, aussi heureux qu’on puisse l’être.

« J’ai décidé que je vivrais comme tout le monde »

L’abattement ou le fatalisme, très peu pour lui. Il y aurait pourtant de quoi : « Mon histoire de famille est lourde à porter. Un an avant moi, mon père décède à moins d’un kilomètre de mon accident. C’est le destin… Moi j’ai la chance d’être sur un fauteuil et de vivre. Pas lui. Il avait 44 ans. C’est d’ailleurs le plus grand malheur de ma vie, avoir perdu mon père si jeune. » Et pas ce terrible accident qui le prive de l’usage de ses jambes. Ses neurones et sa motivation restent, eux, intacts. «J’ai décidé que je vivrais comme tout le monde, que tout ce qu’un valide peut faire, je peux le faire aussi », explique Dominique. Et il fait bien davantage. Il met son intarissable énergie au service de la finance, directeur de banque puis inspecteur d’assurance. Il mène également une vie familiale épanouie, père d’Arnaud, (27 ans) et de Thibaut (30 ans), garçon d’origine thaïlandaise adopté à l’âge de trois ans. Il est aussi quatre fois grand-père. Dans la situation qui fut la sienne, sa seule force mentale n’aurait peut-être pas suffi à souffler tous les nuages au-dessus de sa tête. Le soutien moral et financier de la Fondation Ferrasse l’ont énormément aidé. Et cela se poursuit sans faille depuis quatre décennies. « Je n’ai jamais eu de soucis financiers grâce à l’aide de la Fondation. Cela nous a aidés pour les travaux d’aménagement, les fauteuils, la vie au quotidien. J’ai pu acheter des volets électriques ou un fauteuil à roues, lui aussi électrique, qui me permet d’aller sur les voies vélos et de me balader en famille ou avec le chien », sourit-il. Mieux qu’un simple récipiendaire de la rente versée par la Fondation, Dominique est à l’origine de sa création. « J’ai rencontré Albert Ferrasse, alors Président de la FFR, au stade Jean-Bouin, lors d’un match en mon honneur. Je lui ai parlé des soucis des handicapés du rugby. On touchait peu à l‘époque. Il a été sensibilisé, ça a démarré de là. » Mais le matériel et les aménagements spécifiques ne sont pas tout…

Sur la voie du bénévolat depuis 30 ans

« J’ai été invité à plusieurs reprises à un match du 6 Nations. Ce fut, à chaque fois, un week-end exceptionnel avec arrivée en train à Montparnasse, un chauffeur qui vous balade dans Paris et vous emmène au Stade de France, un hôtel quatre étoiles. Les deux grands blessés invités participent même au banquet » rappelle-t-il. Un exemple parmi d’autres du soutien apporté par la Fondation, qui a sans doute guidé Dominique Quintin sur la voie du bénévolat qu’il fréquente depuis trente ans. La liste est non-exhaustive. « Je suis Président d’une association de parents d’élèves, trésorier du club de foot de mes enfants, fondateur d’un vide-greniers pour une association de tennis de table, sport que je pratique, conseiller communautaire à l’agglomération (25 communes) et président du pôle d’entraide neurologique du pays de Lorient » L’ancien espoir du Stade français-CASG en oublierait presque son rôle d’élu depuis 2014, conseiller municipal délégué chargé du sport et de la jeunesse à la mairie de Ploërmel. « On m’avait d’abord proposé le handicap. Avec mes autres activités sur le secteur, ça commençait à faire lourd. Je préférais agir de l’intérieur, tout en étant à l’écoute des associations », souffle-t-il.

De l’énergie à revendre

Pour cet impressionnant CV, Dominique Quintin a reçu le 14 juillet 2015 la médaille d’argent de la Jeunesse et des Sports et de l’engagement associatif ainsi que la médaille de bronze de la FFR trois ans plus tôt. Dominique, qui fêtera ses 60 ans le 18 juin prochain, a décidé de rendre aux grands blessés du rugby ce que la Fondation et la Fédé lui ont apporté. « Je me présente au comité exécutif de la Fondation en janvier. C’est mon prochain grand objectif. C’est important pour moi. Le rugby m’a beaucoup pris, mais également beaucoup donné. Et la FFR, via la Fondation, continue de m’aider. C’est une des fédérations qui s’occupe le mieux, de ses blessés. Tous les Noëls, on reçoit un colis avec du foie gras, une bouteille, un maillot du XV de France et un petit mot du président, apprécie-t-il. C’est tellement bien que j’ai envie de m’investir. Je reste surtout passionné de ce sport ! » Dominique Quintin a de l’énergie à revendre et un magnifique état d’esprit à offrir à la cause. Depuis quarante ans, son plus ardent désir a toujours été de vivre comme tout le monde. Il fait mieux que ça.

Texte : Silvère Beau – Photos : Dominique Quintin